Zèbres

Drôles de zèbres, qui ne filent qu’à la couture…

Le langage s’est enrichi d’un icône : le zèbre, robe rayée, zèbre ébahi blessé meurtri, regarde le monde, œil placide ou dévasté, immobile souvent jusqu’à l’effondrement, à n’en pas croire ce qu’il a vu de ses yeux vu, témoin engagé qui bayeux sans conquête, bande de sparadrap, à chaque station la couleur se fait plus improbable, l’espérance à l’irréel du présent, mais si l’un tombe avec l’aube, d’autres se lèveront, il faudra bien se mesurer à l’aune de leur étonnement…

Les singes nous regardaient, nous regardons les zèbres, interrogeons l’interrogation qu’ils imposent, signes encore nés de la trame, tellement présents sur la toile, s’y affichant comme lettrines pour une écoute solennelle - les pétasses, déjà en majesté chantaient Louise Labé -, aujourd’hui celle de Desnos, voix sacrifiée dans l’universel safari à l’homme. Après “le veilleur du Pont au Change”, les zèbres nous contraignent à l’insomnie. 

Vigiles aussi les colonnes, passerelles verticales, caryatides en transgression des règnes, qui soutiennent une seule hypothèse : la totalité du monde à chaque génération est offerte et infligée.

10m² de peinture ouvrent sur l’espace et le temps de la condition humaine. Bel éloge plastique de la litote ! 

Nicole Debrand, le mai 1999