Silex

Armes.
De poing, de choc, puis de jet.
Le silex est la matière préhistorique idéale.
La progression de la valeur utile d’un kilogramme de silex repère l’évolution d’Homo Sapiens : de dix centimètres, il parvient à débiter jusqu’à vingt mètres de tranchant.

Bois, peaux vives, feuillages, nervures, fibres, couleurs solaires, se précipitent à la fosse, concrétisent en calculs organiques, troublent la candeur poreuse du calcaire. La mâchoire de la falaise sédimentaire se délite, sa pulpe lâche, éclats, esquilles, ses crocs de pierre, immortels à l’échelle humaine. Silex, lames tranchantes.

Le hasard - ou quelque catastrophe intime ? - fit que Françoise Collin vécût sa haute époque à La Roche-Guyon, sauvage collecteuse d’ammonites et d’oursins fossiles, et qu’elle entendit la procréation lente du haut lieu, s’emparant de la réponse obscure, en réserve de ses questionnements à venir. Mais la nécessité radicale, alors impenses, ici, s’imposa d’interroger de l’enquête plastique : les tissus et le pastel.

Tissus délibérément fabriqués, strates cousues pour être recouvertes, la toile ne saurait être qu’un palimpseste : voilà, dès les premières œuvres, pour les sédimentations ; précision incisive du dessin : voilà, dès les premières œuvres, pour le tranchant ; moelleux ou irritant du pastel : voilà, dès les premières œuvres. “Nécessité inférieure”, selon Kandinsky.

L’éblouissement de la falaise blanche laisse son négatif sur la rétine ; les couleurs s’engluent, s’enfouissent au bitume ; des colonnes vertébrales, botaniques témoignent de l’irrigation ; quelque diverticule éclaire encore des écritures épargnées, à déchiffrer, décrypter avant que… ; est les silex - minéraux, végétaux, animaux, humains ? - entre bleu et bronze, exhibent l’énigme de notre finitude. 

Les œuvres, ici exposées - et que l’artiste désirait ici montrer - proposent à la fois une lecture du monde et une réflexion de Françoise Collin sur la genèse de son art. 

Conjonction du temps et de l’espace : les Silex, ou l’urgence radicale.


Nicole Debrand, le 15 février 2006

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