Nappes
LES “NAPPES KASIMIR ORANGES AU CARRÉ”
SOUS LE SIGNE DE KASIMIR MALÉVITCH
La nappe couvre la table
C’est son rôle
La table est une planche recouverte d’une toile aux carreaux rouges et blancs de cuisine populaire
Le tableau sert de tablier au personnage hiératique qui la domine car la table est dressée
La nappe expose une table de toutes les matières, carrés cousus d’un damier extensible à l’infini où le regard doit sans cesse accommoder pour circuler au rythme de l’escargot ou de la lumière qui incurve quelquefois le tissu où est posé, œuf ou crâne, ou l’objet.
Des nappes espace-temps
Où sont les convives ? sur la table, chacun sa peluche et son règne ? le personnage dès lors allongé dessous ? ou serait-il le dévoreur suprême ?
Ni haut, ni bas, dans l’univers, pas de repère pour s’orienter,
Seule certitude : une fois méthodiquement pelée l’orange, sa chair savourée, reste une pelure qui sèche et se tord en formes imprévisibles, un début une fin avant l’exténuation en poussière, pas le ruban de Mœbius, non, l’image de jaillissement électronique d’un feu d’artifice.
Nicole Debrand, le 04 septembre 2014
PEINDRE L’EAU
Quelle eau ? La courante ou l'immobile, la fluide insaisissable des torrents ou des rivières, l’immense, illimitée des océans, celle, solide des glaciers, des glaces polaires, la tranquille et pourtant mystérieuse des lacs, les souterraines, celles qui tombent du ciel, la plate, la potable ou non, la minérale, l’eau qui pique, l’eau du robinet, la thermale, la transparente ou la boueuse, la verte ou la bleue. L’eau qui donne la vie et l’autre, la mort ? Les eaux industrielles, les eaux usées, l’eau qui s’épuise ?
J’ai choisi celle que l’on peut boire, transparente, recueillie dans un carafe ou un pot à eau, celle de toutes les tables (de tout le monde vraiment ?), celle qui réconforte, qui redonne la vie au quotidien et que l’on offre au visiteur dans un verre à boire (verre à moutarde, pyrex ou cristal, gobelet en plastique, en métal…), l’indispensable qui pourrait un jour manquer et qui manque tellement déjà dans certaines régions du globe.
La technique : aquarelle = un peu de pigment et beaucoup d’eau !
J’ai réalisé chaque jour une aquarelle représentant un verre d’eau, posé sur la table de la cuisine, le plus souvent, ou bien sur une nappe blanche comme une feuille de papier, mais aussi sur des nappes aux couleurs et graphismes du bout du monde.
Cette « nappe d’eau » est donc composée de tissus aquifères dont les carreaux restituent autant d’offrandes du jour qu’il y en a dans une année, soit 366, calendrier du perpétuel recommencement, symbole de mort et de renaissance, mesure d’un mouvement fluide qui ne s’arrête pas.
Cette réalisation s’inscrit dans mon travail pictural, non seulement par le recours à l’aquarelle mais aussi parce qu’il a souvent privilégié le support - tissus, toiles recomposées à partir de « morceaux » où la piqûre (cicatrice) reste un élément important, comme la ligne dans le dessin. Mais, quelles que soient les techniques utilisées, elles me permettent une figuration à la fois concrète et abstraite du « réel », qu’il s’agisse de minéraux, de végétaux ou d’animaux, tous les règnes de la nature me fascinant, et j’invite à les regarder autrement et à retrouver les mythes qu’ils ont générés.
Françoise Claire Collin